Bain de lune de Yanick Lahens
Après trois jours de tempête, un pêcheur découvre, échouée sur la grève, une jeune fille qui semble avoir réchappé à une grande violence. La voix de la naufragée s’élève, qui en appelle à tous les dieux du vaudou et à ses ancêtres, pour tenter de comprendre comment et pourquoi elle s’est retrouvée là. Cette voix expirante viendra scander l’ample roman familial que déploie Yanick Lahens, convoquant les trois générations qui ont précédé la jeune femme afin d’élucider le double mystère de son agression et de son identité.
Les Lafleur ont toujours vécu à Anse Bleue, un village d’Haïti où la terre et les eaux se confondent. Entre eux et les Mésidor, devenus les seigneurs des lieux, les liens sont anciens, et le ressentiment aussi. Il date du temps où les Mésidor ont fait main basse sur toutes les bonnes terres de la région.
Quand, au marché, Tertulien Mésidor s’arrête comme foudroyé devant l’étal d’Olmène (une Lafleur), l’attirance est réciproque. L’histoire de ces deux-là va s’écrire à rebours des idées reçues sur les femmes soumises et les hommes prédateurs.
Mais, dans cette île également balayée par les ouragans politiques, des rumeurs de terreur et de mort ne tardent pas à s’élever. Un voile sombre s’abat pour longtemps sur Anse Bleue.
Pour dire le monde nouveau, celui des fratries déchirées, des déprédations, de l’opportunisme politique, Yanick Lahens s’en remet au chœur immémorial des paysans : eux ne sont pas dupes, qui se fient aux seules puissances souterraines.
Leurs mots puissants, magiques, donnent à ce roman magistral une violente beauté.
Si vous ne connaissaez pas Haïti, ses coutumes, son histoire, plongez vous dans ce roman.
Le roman troive sa source dans l’histoire de deux familles : les Lafleur et les Mésidor. Entre eux, rien n’a été simple. Entre désillusions et coups bas, le fossé s’est creusé entre elles.
C’est sans compter sur les jeunes générations qui, bien loin des atermoiements de leurs aïeux, vont au-delà des apparences pour construire une nouvelle histoire.
C’est un roman dépaysant qui sent bon le créole, les épices et peut être aussi un peu les sciences occultes (notamment la façon dont ils aident à faire passer les âmes de l’autre côté). C’est une histoire d’hommes et de femmes vivant avec passion les bons comme les mauvais côtés de la vie.
Le style est très poétique et le lecteur se laisse vite bercer par la douce musique jouée par l’auteur.
Ce roman a reçu le Prix Femina 2014 et fait partie de la sélection pour le Prix Océanes 2015.